Tellus (1994-1995)

pour orchestre : 3(1Picc.).2.3.2./2.2.2.1./4Perc./Cordes (12′)
Percussion : vibraphone, marimba, cloches-tubes, 2 timbales, grosse caisse, 3 cymbales suspendues (grave, médium, aiguë), tam-tam grave.
Commande pour la résidence à Bernay

Création le 24/3/95 à Bernay (salle capitulaire) par l’Ensemble Instrumental Bernayen et l’orchestre de l’EMMA de Bernay, direction Jean-Yves Fouqueray

Editions Jobert

Dominique Lemaître considère que cette pièce est un « hymne symphonique à la terre », à Tellus, divinité italique et romaine personnifiant la terre nourricière, souvent assimilée à la Gaïa des Grecs. « Enfant, j’étais passionné par la mythologie gréco-romaine, par l’Antiquité et par les péplums ! J’avais ces souvenirs à l’esprit pendant l’écriture de cette œuvre faite d’un seul tenant, puissante, grave (tuba et contrebasses y jouent un rôle important) mais aussi d’aspect onirique – presque magique ? » (cf. le jeu du piccolo avec les sons harmoniques des cordes par exemple).

Dans le texte écrit pour le site internet dédié à Dominique Lemaître, Nathalie Dumesnil écrit que « Tellus est une œuvre véritablement « symphonique », travaillant sur la masse orchestrale. Blocs verticaux et résonants, textures imbriquées, superposées évoluant progressivement par tuilages, effets de masques savamment dosés desquels émergent çà et là quelques motifs singuliers… marquent la grande richesse harmonico-timbrique de cette pièce. Les cuivres brillants ou mystérieux, guerriers ou sombres évoluent tantôt en verticalités incisives, tantôt en sons tenus ; parfois ils strient le temps furtivement. Des cordes plutôt discrètes, accompagnatrices, nous retiendrons notamment leur jeu en sons harmoniques associés au piccolo, moment fragile et magique durant lequel l’attraction terrestre semble ne plus exercer son pouvoir d’aimant. Mentionnons également le rôle particulier tenu par la contrebasse, soliste pendant une quinzaine de mesures, elle balbutie autour d’un réservoir de hauteurs dans un ambitus restreint ; tout comme le tuba, elle incarne l’aspect souterrain et sismique de Tellus. Les bois individualisés émergent lors de traits ascendants ou se fondent dans la texture globale (jouant sur des tenues discrètes, parfois insistantes). Quant aux percussions résonantes (vibraphone, cloches-tubes, cymbales, tam-tams), elles participent à l’irisation de l’enveloppe orchestrale, tandis que la grosse caisse et les timbales renforcent l’impression d’attraction terrestre.

Usant de tempi lents (noire = 52, 46, 60, 56, 66), le compositeur joue sur les modulations progressives dans une métrique souvent imperceptible (exceptées les quelques notes répétées des cuivres ou des bois) et développe une large palette de nuances jouées sans heurts (crescendo / decrescendo), comme la houle ou le ressac. Il n’y a pas de véritable silence dans cette œuvre, même si l’abîme est parfois proche ; de même, les séquences ne sont pas franchement délimitées, amplifiant davantage l’apparence naturelle et l’entité de cet hymne à la terre ».

Pierre Albert Castanet