Altuis (1998-1999)

pour violoncelle et seize instruments : 1(+Picc.)1.2(+1Clb).1./1.1.1.0./2 Perc. Ha /1.1.1.1.1. (20′)
Percussion : vibraphone (prévoir un archet de contrebasse), marimba, cloches-tubes, glockenspiel à pédale, 4 gongs, cymbale suspendue médium, grosse caisse, 2 tam-tams (grave et médium), 3 triangles.
Commande de l’État

A Anne Gastinel

Création le 13/10/00 à Lyon (salle Varèse du CNSM) par Anne Gastinel et l’Ensemble Orchestral Contemporain, direction Daniel Kawka

Autres exécutions : par Gary Hoffman et l’Ensemble Orchestral Contemporain, direction Daniel Kawka.

Éditions Jobert

CD LI 05 – 0201 Gary Hoffman et l’Ensemble Orchestral Contemporain, direction Daniel Kawka.

La forme concertante chez Dominique Lemaître ne repose pas sur une opposition entre le soliste et l’orchestre mais tente, par un échange d’énergies, la fusion entre les deux. Le soliste devient alors une sorte de « voix supérieure » prolongée par un orchestre « résonateur » qui sait aussi se montrer éloquent.

Commande de l’État, cette partition est la première partie du diptyque concertant intégrant à sa suite Vers l’eau, vers le feu. Ici, le titre s’inspire des éléments qui se consacrent à l’air et à la terre ; le nom latin d’Altius signifiant « plus haut ». Concentrés sur le chiffre 3 – expression sacrée d’un ordre intellectuel et spirituel -, les fondements symboliques renvoient également à la métaphore de l’envol et de l’ascension ( concepts chers à Olivier Messiaen et à Michael Levinas ).

Charpentée par trois paliers ascensionnels – de moins en moins longs -, l’œuvre au caractère extrêmement lyrique débute par un unisson de timbres colorés, distribués en relais ( procédé qui reviendra dans le courant de l’œuvre ). Laissant entrer – comme un ciment nourricier – des phases imposantes de silence ou de frêles plages de tenues jouées pianissimo, la partition exhale un caractère religieux au sens étymologique où son ambition sereine semble désirer « relier » ( du latin religare ) la terre au cosmos, l’humain au spirituel. Néanmoins, au cœur de la méditation, des ambiances foncièrement contrastées font surface : suspension temporelle ( quasi hors tempo ) et irruption dynamique, statisme des transitions et jaillissement harmonique, impacts et réminiscences campanaires, volutes des bois et mono directivité du jeu soliste, rôle étrange de l’attente événementielle et virtuosité feinte, tension efficace des registres extrêmes et style cantabile du violoncelle ( écoutez dans l’aigu, son chant du cygne dans le dernier panneau ).

Nathalie Dumesnil rappelle dans le programme du concert du 28/5/02 au Havre que tout comme Vers l’eau, vers le feu pour violon et 18 instruments, Altius s’inspire de deux éléments : « Les phénomènes d’attraction, les notes polaires (comme le fa# au début), les « blocs » harmoniques d’une part, les nappes diaphanes, l’apparente immobilité et l’atmosphère vaporeuse de quelques plages d’autre part, semblent évoquer respectivement la terre et l’air. Le violoncelle lui-même représente cette dualité : en contact avec le sol, il projette les sons dans l’espace acoustique. Mais ce n’est pas tant l’évocation de ces deux éléments que le passage de l’un à l’autre et la sensation d’envol qui l’accompagne qui président à l’écriture d’Altius (« plus haut » en latin). L’œuvre est composée de trois parties enchaînées (d’une durée de plus en plus courte) elles-mêmes constituées de nombreuses articulations le plus souvent insensibles donnant une impression de transition perpétuelle. Les instruments tentent, tout d’abord, d’échapper à l’attraction du fa# tandis que le violoncelle solo apparaît dans une phrase montante, archétype des nombreux motifs ascendants qui parcourent l’ensemble de la pièce. Puis la partie soliste, très expressive, se diffuse et se répand dans l’orchestre en agissant tel un révélateur pour se fondre dans l’immobilisme scintillant des cloches-tubes, tam-tams, glockenspiel, vibraphone, harmoniques des cordes et trémolos de harpe qui s’évapore dans le silence. Dès la deuxième partie, des verticalités soudaines jaillissent comme de grands monolithes fichés dans le sol. Se répétant, ils laissent entrevoir quelques nouveaux motifs annonciateurs… Après un passage particulièrement lyrique, alors que le violoncelle disparaît dans son registre grave, les cordes amorcent un bref envol menant à une dernière instantanéité jouée fortissimo par le tutti. L’effet de « cloche » (cher au compositeur) qui en résulte et qui entame la dernière partie résonnera longtemps encore alors que le violoncelle entraînera l’orchestre dans une ascension inéluctable vers un devenir aérien ».

Pierre Albert Castanet